Très très belle exposition que Dreamlands, Des parcs d'attractions aux cités du futur, présentée à Beaubourg, au croisement des utopies, des loisirs, de l'architecture et de l'urbanisme. Les expositions universelles ont proposé des visions enchantées d'une ville rêvées : divertissantes et ludiques faisant évoluer la notion de culture, vivifiée tout au long du XXème siècle par les artistes qui se sont adonnés à la confusion des genres et au ressourcement. Ainsi la culture populaire source d'inspiration éternelle de la culture savante s'est progressivement délayée dans une culture de masse diffusée par les industries culturelles. Ce mouvement vient de loin, comme en témoigne cette exposition qui conduit le visiteur dans une épopée originale : s'interrogeant par exemple sur la manière dont le parc d'attraction nourrit l'imaginaire de la ville et la renouvelle, ou sur les points de rencontre entre les utopies urbaines et les visions enchantées des parcs de loisirs... La construction de pseudo identités prend toute son ampleur dans ces villes thématiques des banlieues de Shanghai ou dans la ville rêvée de Dubaï, quand ville et parc de loisir ne font plus qu'un. Vivre dans des décors où le faux enchantement conduit parfois la vie toute entière à se confondre avec les logiques hollywoodiennes... Exposition très bien faite, discours bien conçu, belle scénographie, textes performants, oeuvres pertinentes... nous ne pouvons qu'être enchanté que Beaubourg renoue avec des expositions à dominante plus anthropologique. Il est juste amusant de constater que le Centre Beaubourg lui-même ne soit qu'évoqué par une maquette sans trop s'y attarder, alors que l'on se souvient de la critique féroce de Jean Baudrillard à son endroit, portant justement sur la société de spectacle et de cette formidable machine à transformer la culture en produit de consommation. Il aurait pu être courageux de le poser plus frontalement comme élément du débat ! Signalons également le catalogue d'exposition très pertinent.
lundi 24 mai 2010
dimanche 16 mai 2010
Retour d'Angola
Le Musée d’Ethnographie de Neuchâtel avance doucement mais sûrement ! Selon une habitude peu courante dans les institutions, l’équipe du MEN prend le temps d’éditer ses catalogues d’exposition et de ne pas brusquer les choses. Ainsi tous ceux et celles qui ont visité Retour d’Angola retrouveront avec cette publication l’explication de la démarche et toute l’histoire liée non seulement aux périples de Théodore Delachaux dans les années 30, mais aussi l’histoire de l’exposition, et l’explication des choix muséographiques et scénographiques effectués. La parfaite articulation entre la partie recherche, scientifique, la partie orientation conceptuelle par les muséographes et les choix scénographiques remarquables de Patrick Burnier, est une fois de plus démontrée (notons que le catalogue avance le terme d’expographe plutôt que muséographe, ce qui fera plaisir à André Desvallées). On comprend ici combien l'exposition résulte d'un travail analytique considérable. Les vitrines sont comme dématérialisées pour donner à voir l'archive incarnée. Les effets ne sont pas seulement visuels, ils prennent sens avec le propos. C’est plus largement une réflexion globale sur le bâtiment lui-même et une occasion de repenser les dispositifs pour développer une histoire de l’institution et la poursuivre. Comme toujours au MEN, la publication n’est pas que le traditionnel catalogue d’exposition qui rend compte des recherches scientifiques, en marge et déconnecté de l’événement lui-même. En prenant le temps de le publier après l’ouverture, c’est aussi l’occasion de revenir sur l’exposition, sur sa construction et son intégration, et donc du point de vue muséologique, ce sont toujours des documents précieux. Ajoutons que c'est un magnifique ouvrage avec des très belles illustrations.
mardi 11 mai 2010
Faire des expositions sans le savoir
Il est de moins en moins rare que des lieux autre que des musées proposent des expositions. Ainsi les monuments historiques, les bibliothèques, mais aussi les centres interdisciplinaires et même les lieux dédiés au spectacle vivant. C’est une bonne chose en soi, cela démontre que le média exposition demeure incontournable pour communiquer à l’heure notamment des nouvelles technologies. Toutefois, cet enthousiasme à son revers, car si beaucoup de lieux spécialisés font des expositions peu abouties, les propositions de ceux qui n’ont aucune compétence et savoir faire en la matière aboutissent souvent à des résultats catastrophiques du point de vue muséographique. Loin de défendre des chapelles et pré-carrés, mais il faut dire simplement combien le métier de concepteur d’expositions réclame une technicité qui ne s’invente pas. Que les expositions ne soient pas réservées aux seuls musées, c’est très bien, et pour cela André Desvallées a proposé le terme de expographe plutôt que de muséographe, mais c’est encore mieux quand le professionnel en question est mobilisé. Pour cette raison, nous ne distinguons plus dans la formation dijonnaise l’option patrimoine et l'option musée, considérant qu’il est important que les futurs professionnels soient tous formés peu ou proue au métier de l’exposition. Mais il faudrait plus largement que les lieux aient recours à ces professionnels. Juste un exemple, la Maison folie de Mons propose une exposition fort intéressante sur l’après-pétrole, avec une rencontre entre des scientifiques de l’université et les utopies urbaines de Schiten. L’initiative est bonne, et il y a beaucoup de choses passionnantes dans cette exposition, mais c’est dommage qu’un travail muséographique n’ait pas accompagné le tout pour lier ensemble les parties et pour parvenir à une communication optimale pour le public.
jeudi 6 mai 2010
Aux chiottes l'artiste ?
Regardez bien cette photo prise par Lucas Jackson et publiée dans Le Monde 2 du 10 avril dernier. Vous vous dites : "voilà encore une de ces fantaisies provocatrices d'un de ces artistes propulsés par un musée d'art contemporain. Sans doute une évocation d'Abel Gance mixée à du Luis Bunuel ou une quelconque métaphore de la fin de l'art, si ce n'est une ultime salve contre la religion catholique qui nous fait ch..." Mais non, vous n'y êtes pas ! Ce n'est pas cela du tout. Et cela va faire pâlir bien des artistes qui auraient rêvé de signer une telle oeuvre. Non c'est la création désespérée des salariés de Jacob Delafon, fabriquant de sanitaires à Brives-la-Gaillarde qui protestent contre la fermeture de leur usine. De quoi nous faire réfléchir. Est-ce que ce que l'on voit habituellement dans les musées d'art contemporain n'a absolument rien de plus intéressant que les manifestations de la vie quotidienne et que l'art est devenu complètement nul ? Ou bien est-ce au contraire que cet art imprègne peu à peu l'ensemble de la vie sociale au point qu'elle rend celle-ci pleine de créativité ? Chacun tranchera, mais la rencontre est étonnante.
lundi 3 mai 2010
Plans d'évasion
Très belle exposition présentée à l'Institut d'Art Contemporain de Villeurbanne, et qui ferme malheureusement normalement ses portes le 9 mai prochain. Michel François y présente Plans d'évasion, une exposition inventive dont la scénographie fait entièrement partie du process de création. Car voilà une exposition où la scénographie fait littéralement oeuvre, puisqu'elle invente un cheminement en miroir, l'exposition conduisant dans une sorte d'image inversée avec un espace qui répond à un autre espace comme une sorte de feuille de papier pliée en deux. Ce test de Rorschach à sa manière révèle les fantasmagories de l'artiste avec des oeuvres forts étonnantes. La symétrie est du reste constamment présente dans le travail de Michel François qui s'amuse des échos et des miroirs. Il y a de la fragilité, de la métamorphose captée à un instant T, des formes transitoires, des processus et des croissances, un cycle infini qui nous contemple. Tout y est en équilibre et en instance d'autres choses. Une exposition comme on aimerait en voir plus souvent dans les centres d'art contemporain...
dimanche 2 mai 2010
Le Musée hybride
Cette nouvelle contribution, Le Musée hybride de François Mairesse restera à n'en pas douter une publication de référence en muséologie. Issue de son habilitation à diriger des recherches, l'ouvrage fait un tour d'horizon très documenté des théories du musée, institution écartelée entre les logiques du marché et les modes de fonctionnement de service public. La proposition originale de l'auteur est de parier sur une troisième voie reposant sur la logique du don qui permet de sortir des classiques et dangereuses dichotomies. En explorant les modes d'organisation et de gestion du musée, François Mairesse démontre une fois de plus sa grande culture muséologique et livre non seulement une synthèse conséquente, mais aussi une approche originale qui fera date.
samedi 1 mai 2010
Bas les masques
Si vous n'avez pas encore vu l'exposition Carnet de voyage. En quête d'impressions, au Musée international du Carnaval et du Masque de Binche en Belgique, vous avez encore un mois puisque l'exposition y est prolongée. Cette exposition labelisée dans le cadre du Festival Europalia porte comme toute les manifestations de cette édition sur la Chine. Très belle approche du pays avec ses rituels, son théâtre et ses carnavals particuliers. Les dragons sont évidemment omniprésents. Scénographie soignée pour une traversée originale de la Chine permettant de découvrir le pays à partir d'une thématique peu commune (même si on pourra reprocher ici comme ailleurs des textes peu adaptés au contexte de l'exposition...). Profitons de la visite pour constater combien le musée à changé depuis 5 ans, devenant un musée de plus en plus séduisant et dépoussiéré grâce à l'action d'une conservatrice dynamique. Le propos anthropologique si riche sur cette thématique soulève une foule de pistes pour des expositions futures.