Prenez des tableaux, des têtes en cire, des artistes, des hommes politiques, des affiches de spectacle et des cartes postales des expositions universelles, et toute iconographie où figure une représentation de l'Autre, de celui que l'on nomme pour cette exposition présentée au Quai Branly, le sauvage : figures mythologiques de l'homme des bois, monstres et êtres difformes et surtout figures d'hommes et de femmes noirs... Tout est bon du moment que cela permet de créer un discours manichéen et très binaire, simpliste à l'excès, mais très politiquement correct pour dénoncer le méchant Occident qui a construit l'Autre. Le problème c'est qu'à force de pointer toujours dans le même sens cela devient suspect, car la thèse ne tient pas très bien. S'il y a mise en représentation des noirs, des indiens ou des papous, c'est que tout est mis en représentation, y compris les bretons, les alsaciens, mais aussi les bourgeois dans les comédies musicales... C'est le paradigme du XIXème siècle que de mettre en représentation et c'est là l'origine de la société du spectacle. N'extraire qu'une facette où ne figure que des noirs est problématique. Mélanger les noirs et les monstres dans l'exposition est tout aussi douteux que dans la réalité de l'époque. Sans évoquer non plus le voyeurisme que l'on suscite chez le visiteur lui-même et que quelques miroirs ne suffissent pas à questionner. De même, ne peut-on pas accuser cette exposition de déployer une conception raciste (malgré la présence de la Fondation Thuram) ? Car que signifie de montrer des rois et des ambassadeurs à la cour du roi ? Les gens de pouvoir n'attirent-ils pas toujours la curiosité ? Où commence l'exotisme de l'Autre ? La reine d'Angleterre déplace également les foules ! Pourquoi montrer par exemple ces gravures d'ambassadeurs de Louis Surugue de Surgis si ce n'est que ce sont des hommes venus d'Afrique ou d'Asie ? Le racisme ne commence t-il pas ainsi ? Il serait possible de faire bien d'autres remarques. Est-ce honnête de mélanger sans avertir réellement le public les représentations de ceux qui étaient déplacés et forcés de s'exposer dans les expositions universelles, de ceux qui l'étaient pas leur propre pays, de ceux qui étaient rémunérés pour cela et qui bénéficiaient de contrat de travail ? Les artistes qui viennent danser alors, comme du Royaume du Siam, sont-ils parfois si différents de ceux qui viennent aujourd'hui à la Maison des cultures du monde ou sur la scène du Quai Branly ? Pourquoi ne pas s'attarder sur la revue nègre quand Joséphine Becker finançait ainsi les expéditions de la mission Dakar Djibouti, source de certaines collections du musée ? Comment le musée du QB lui-même présente t-il les autres cultures en les traitant comme des isolats dans ses expositions permanentes ? Plutôt que de clamer pour finir la disparition des zoos humains, ne serait-il pas intéressant de faire réfléchir le visiteur sur certaine forme de tourisme international, quand des hordes d'Occidentaux vont photographier par exemple les tribus du nord de la Thaïlande ? Une exposition certes très belle, mais dont le contenu est fort discutable... Heureusement, il reste un très beau catalogue qui témoigne de recherches conséquentes.
mardi 27 mars 2012
vendredi 23 mars 2012
Roulez Carrosses !
Ils sont arrivés enfin à Arras les fameux carrosses tant espérés de Versailles, ils ont pris place au coeur de l'abbaye Saint Vaast, entourés de tableaux les mettant en scène, selon leurs usages, à la chasse, à la guerre, par les rues et les champs. De forts beaux tableaux historiques, même si nous préférons malgré tout celui de Natier ! Du carrosse de Louis XV au premier véhicule de la République. En relatant l'évolution technique de ce moyen de transport, l'exposition convie à la découverte d'un pan de l'histoire de France, et braque le projecteur sur de beaux objets, demeurés longtemps dans l'ombre et l'oubli, donnant ainsi l'occasion de les restaurer. Les explications sont essentiellement historiques. Il est vrai qu'il n'est guère besoin de s'attarder longuemment sur le statut social qu'ils représentent, la symbolique du pouvoir qu'ils charrient quand on constate leur richesse et leur somptuosité. On ne viendra pas dans l'exposition non plus pour comprendre comment on les utilisait, la vie de ceux qui en usaient, la dextérité des conducteurs, encore moins les conditions de vie des palefreniers. Pour ça, mieux vaut aller voir L'Adieu à la Reine ! Rien non plus sur ce que cela impose de contraignant ou de souffrance éventuelle aux chevaux ! Non le visiteur viendra pour admirer de magnifiques objets, s'intéresser à l'histoire de France, tout ébloui des ors de la monarchie ! Les révolutionnaires avaient raison, il était prudent de dépecer le carrosse du sacre de Louis XVI ! La force de beaux objets peut être ferments contre-révolutionnaire.
samedi 17 mars 2012
L'oeuvre et ses archives
Exposition aux allures hermétiques, mais qui recèle plusieurs niveaux d'intérêts sur la plan muséologique, avec L'Oeuvre et ses archives, le CAPC présente trois oeuvres de sa collection permanente de Daniel Buren, Mario Merz et Claude Rutault. A priori, ce sont moins les oeuvres en soi de ces trois artistes qui retiennent l'attention que la réflexion à laquelle elles engagent sur leur condition de présentation et de conservation par l'institution. En effet, ces oeuvres ont été présenté dans des contextes et avec des modalités différentes selon les expositions, dès lors que faut-il adopter à l'avenir comme références ? D'une autre manière, que faut-il patrimonialiser et conserver comme étalon ? L'artiste peut faire évoluer ses oeuvres, les retoucher, revenir et les transformer, mais l'institution qui les acquiert, qui les conserve et qui les remet en scène dans de nouvelles expositions doit adopter quel parti-pris ? Au travers de documents d'archives, le CAPC invite ainsi le visiteur à s'interroger non seulement sur les processus de création, mais aussi sur les problématiques muséologiques que l'on peut appréhender du point du vue du conservateur.
lundi 12 mars 2012
Aller Retour vers le futur
Le message n'est pas toujours des plus limpides et l'on ne sait pas toujours si le futur a une belle gueule, mais les oeuvres présentées nous invitent à l'étrangeté. Cascade inversée de Heewon Lee, Micro-ferme et jardins hors sols de Damien Chivialle, ou animaux peu câlins pour Pleix, collectif de 7 artistes, dans Hybrid, puisque ces gentils animaux deviennent féroces dès que l'on veut en approcher, toutes ces propositions pourraient nous faire croire qu'il s'agit de mettre en scène nos rapports à la nature. Cette exposition à la Gaieté Lyrique est davantage préoccupée par une exploration temporelle.
lundi 5 mars 2012
Iturria, la vie comme elle va
Original événement au succès garanti, l'exposition des dessins de presse d'Iturria pour le journal Sud Ouest présentée au musée d'Aquitaine de Bordeaux depuis vendredi est des plus agréable. Drôle, simple et efficace, pour en résumer l'esprit. Des dessins sur l'actualité politique des trente dernières années, mais aussi des enjeux de société, des planches de ses bandes dessinées sur le rugby et plus largement sur la vie régionale, aux fortes tonalités régionalistes. La manière de mettre en scène par le musée, avec des dessins en grand format, en silhouette découpée, est très plaisante et donne à l'exposition une forte présence. Notons le parcours spécifique pour les aveugles, avec un tracé au sol assez étrange, mais aussi des reproductions tactiles d'une sélection de dessins. La conférence d'ouverture avec Cabu et l'inauguration promet un beau succès pour cette exposition à voir durant les trois prochains mois.